Pourquoi votre habitation va-t-elle brûler ?

Pourquoi votre habitation a-t-elle brûlé ?

Pourquoi va-t-elle brûler ?...

 

 

 

I) Prévention : un peu, beaucoup, pas du tout… ?

 

En 2009, les services d’incendie et de secours, incluant les Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS), la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) et le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille (BMPM), ont réalisé 4 027 900 interventions, dont 312 100 liées à la lutte contre les incendies.

 

Cela représente ainsi une intervention pour feu toutes les 2 minutes.

 

Ces statistiques officielles nous permettent d’obtenir plus de précisions concernant d’une part, la répartition des interventions et, d’autre part, le nombre de victimes et leur état de gravité :

 

INCENDIES

NOMBRE

%

DECEDES

BLESSES GRAVES

BLESSES LEGERS

D’habitations

84 753

24,7

308

870

8 179

D’ERP avec locaux à sommeil

2 058

0,6

15

47

363

D’ERP sans locaux à sommeil

5 014

1,46

1

35

522

D’entrepôts

5 205

1,51

4

22

272

De locaux artisanaux

997

0,3

0

6

20

De locaux agricoles

3 201

0,9

1

13

130

Sur voie publique

63 238

18,4

6

36

248

De véhicules

66 929

19,5

31

98

772

De végétations

67 501

19,7

11

19

226

Autres

44 405

12,9

16

137

1 623

 

 

Si l’on en croit Sun Tzu[1] : « l’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat ».

 

La lutte contre l’incendie n’échappe pas à cette logique. Il faut soumettre le feu pour éviter qu’il ne devienne un ennemi : éviter sa naissance indésirable, maîtriser son utilisation, anticiper son développement…

 

Pour cela, la prévention est belle et bien l’arme la plus efficace, car elle fait tout simplement en sorte que l’ennemi soit inexistant ou bien parfaitement maîtrisable !

 

En France, les efforts de prévention sont imposants, et particulièrement concentrés dans les domaines où les conséquences écologiques et économiques (et donc médiatiques) sont les plus catastrophiques. Malheureusement, ce n’est pas forcément le cas dans le domaine où ils sont les plus nombreux et les plus meurtriers : à la maison !

 

-          les établissements recevant du public et les immeubles de grande hauteur sont soumis à une réglementation draconienne, réputée être l’une des plus performante au monde[2] ;

 

-          dans le domaine de la lutte contre les feux de forêts, les actions entreprises sont considérables et fructueuses : analyses météorologiques, vigilance aérienne, surveillance au sol, attaque massive des départs de feu, débroussaillement obligatoire, systématisation des enquêtes et de la recherche des causes d’incendie, etc. ;

 

-          les risques professionnels et environnementaux ne sont pas en reste car très largement encadrés réglementairement (code du travail, code de l’environnement). L’accent est mis sur la nécessité de maîtriser les risques à la source (analyse des risques, étude de danger, étude d’impact…).

 

-          En ce qui concerne les habitations, la réglementation[3] vise les parties communes de manière à garantir, en cas d’incendie, la stabilité des ouvrages, l’évacuation sécurisée des occupants et l’accessibilité efficace des secours.

 

Cependant, dans les parties privatives, nous avons carte blanche ! Nous pouvons équiper la chambre de nos enfants avec des matériaux en polystyrène, entasser des meubles, bibelots et vêtements dans une même pièce, stocker des produits inflammables dans la cuisine à côté de la gazinière, exposer un sapin décoré de guirlandes électriques dans son salon[4]

 

 

 

Cette situation « permissive », socialement très ancrée, est donc particulièrement contradictoire avec la notion de maîtrise des risques, surtout si elle n’est pas suffisamment accompagnée de sensibilisation. Elle n’est donc pas non plus sans incidence sur son entourage.

 

Les feux d’habitations sont bel et bien les plus meurtriers et représentent le plus fort pourcentage d’interventions relatives à la lutte contre l’incendie. Toutes les heures, 10 habitations brûlent en France et nécessitent l’intervention des sapeurs-pompiers, ce qui correspond à un incendie domestique toutes les 6 minutes !…

 

La prévention des incendies domestiques est donc une nécessité. Mais pour cela, encore faut-il avoir une idée précise et fiable des causes les plus probables des incendies, de manière à éviter que la prévention ne soit qu’une simple liste de causes potentielles, assortie de conseils ou de restrictions généralistes.

 

La logique est simple : avant qu’un médecin prescrive un traitement efficace, il faut qu’il puisse établir en amont un diagnostic précis et trouver la maladie ! En ce qui concerne « l’épidémie » des incendies domestiques, le raisonnement doit être le même : il faut connaître précisément ce qui est à l’origine des incendies pour lutter efficacement contre leur apparition.

 

C’est à ce niveau là que les choses se compliquent…

 

 

 

II) Données statistiques : une illusion ?

 

 

Les statistiques de la Direction de la Sécurité Civile[5], résultent d’une comptabilisation précise de l’activité opérationnelle des services d’incendie et de secours. Mais dans la mesure où ces derniers ne sont pas investis dans la recherche des causes des sinistres, la précision de ces données se limite bien souvent au motif d’alerte, ou tout au plus aux éléments flagrants observés sur les lieux, mais sans garantie.

 

Par exemple, si rien n’a brûlé au-delà de la cuisine, on dira alors sans trop de risque qu’il s’agit d’un feu de cuisine… mais si l’habitation est entièrement détruite, il est difficile de déterminer d’où vient le feu et ce qui a pu en être la cause s’il n’y a pas d’investigation.

 

Un incendie peut cependant faire l’objet d’une enquête, selon le type de lieu, la nature des dégâts, la gravité des victimes ou encore la présence d’éléments pouvant laisser supposer une origine volontaire. Mais dans le domaine de l’habitation, lorsqu’il n’y a pas de victimes graves et que l’origine ne semble pas douteuse, ce qui est assez courant, il n’y a généralement pas d’enquête permettant de déterminer les causes du sinistre.

 

Il peut y avoir des démarches dans un cadre civil ou de la part des assureurs, mais elles sont relativement rares comparativement au nombre d’incendies d’habitations.

 

Quoiqu’il en soit, ces enquêtes ont principalement un but répressif, destiné à confondre des auteurs d’infraction, et les éléments obtenus ne sont pas exploités dans un but préventif.

 

Il paraît donc difficile de réaliser des actions de prévention ciblées, si l’on ne dispose pas de données précises et fiables permettant de définir statistiquement les causes des incendies.

 

Par exemple, il est tout à fait possible d’être victime d’un grave accident de circulation lorsqu’il y a de la neige sur la route en montagne. Pourtant, il existe peu de campagnes de prévention à ce sujet… Dans ce domaine, le nombre d’accidents graves est insignifiant, comparativement aux endormissements, aux comportements inadaptés, à la consommation d’alcool… qui représentent donc logiquement les thèmes principaux de sensibilisation.

 

Les démarches de retours d’expériences et d’actions préventives ciblées, sont généralement basées sur des données issues d’analyses précises des causes et des circonstances des sinistres. C’est le cas pour la prévention routière[6], la lutte contre les feux de forêts[7], les accidents technologiques[8]

 

Une démarche similaire pour les incendies domestiques ne pourrait pas être moins fructueuse.

 

 Il existe malheureusement une imprécision significative des données statistiques dans ce domaine. Et ceci est grandement amplifié par :

 

-    l’absence de recherche des causes d’incendies lorsque ces derniers ne font pas l’objet d’une enquête judiciaire,

 

 

 

-    l’insuffisance de coordination et d’échanges entre les différents organismes qui disposent de données spécifiques (services de santé, d’incendie et de secours, justice, assurances, etc.),

 

-    le manque d’harmonisation des définitions et des critères retenus, pour établir ces statistiques (un appareil électrique qui est à l’origine d’un incendie, mais dont l’usage était inadapté, doit-il être recensé comme une cause électrique ou comme une négligence ? Au-delà de quelle durée le décès d’une victime n’est plus considéré comme étant lié à l’incendie ? etc.).

 

Cette ambiguïté des données se vérifie dans la contradiction ou, inversement dans l’étrange précision des informations consultables sur différents sites Internet[9]...

 

En effet, certains sites déclarent que « 70 % des incendies se déclarent la nuit », alors que d’autres signalent le contraire : « la plupart d’entre eux se déclarent le jour, mais la plupart des morts ont lieu la nuit ».

 

On nous apprend également qu’il y aurait « 250 000 incendies domestiques par an » ou encore qu’un détecteur de fumées doit être « encastré (…) à une hauteur de 1 m 50 environ »

 

Comment peut-on savoir qu’« un incendie domestique sur quatre est dû à une installation électrique défectueuse » ou encore qu’« 1 feu sur 4 se déclare dans la cuisine » quand on ne connaît pas l’origine de plus de la moitié des incendies ?

 

Comment accorder du crédit à une localisation précise de 100 % des départs de feux d’habitation, alors que des destructions importantes ne permettent pas, lorsqu’il n’y a pas d’enquête, de localiser l’origine du feu sans investigation ?

 

Le nombre de morts dus aux incendies domestiques, par an, varie selon les sources de 295 à 800, et le nombre de victimes de 6 000 à 10 000… Avec de tels écarts, comment est-il possible de déterminer précisément que :

 

-          « 20% des décès par brûlures sont dus aux barbecues allumés ou ravivés avec du white-spirit ou de l'alcool à brûler » ?

 

-          « une centaine de personnes meurt chaque année après un feu provoqué par une cigarette mal éteinte » ?

 

-          « 1 personne sur 2, victime d'un incendie décède ou est hospitalisée dans un état grave » ?

 

 

 L’idée n’est pas de mettre en doute les causes potentielles des feux d’habitations mais au contraire, grâce à une analyse plus systématique, de les conforter en dévoilant leur réelle probabilité de déclencher un incendie. 

 

 

L’absence de recherche des causes d’incendie, hors enquête, peut alors nous amener à nous poser les questions suivantes :

 

-                     faut-il attendre de déplorer des morts dans un incendie d’habitation pour que l’on s’inquiète d’en rechercher les causes ?

 

-                     si un incendie n’est pas d’origine volontaire, ne sommes-nous pas en droit d’attendre que les causes en soient malgré tout déterminées, de façon à faciliter les démarches qui permettraient d’éviter qu’il se reproduise ?

 

 

 

III) S’impliquer davantage dans sa propre sécurité : une utopie ?

 

 

Pour diminuer le nombre d’incendies domestiques, doit-on imposer des règles de sécurité draconiennes et coûteuses à l’instar de celles qui sont applicables aux établissements recevant du public ? Soyons réalistes et pragmatiques, ce n’est ni souhaitable, ni envisageable.

 

Contrairement à la croyance populaire, le feu est bien moins meurtrier que les fumées qu’il produit. Il n’y a donc pas besoin qu’un incendie soit violent et ravageur pour déplorer de graves victimes. Aussi, l’intervention rapide et efficace des secours est indispensable.

 

Mais quelle que soit la perfection des actions curatives, celles-ci ne peuvent être efficaces que dès-lors qu’elles sont mises en œuvre… Que se passe-t-il alors en attendant l’arrivée des secours ?

 

Doit-on laisser à la chance, le soin de décider de notre sort, de celui de notre famille, ou encore de notre logement ?

 

L’efficacité des secours a atteint aujourd’hui un niveau de qualité très significatif. Cela dit, les sapeurs-pompiers ne peuvent à eux-seuls garantir la sécurité des personnes, même s’ils sont prêts à en payer le prix fort.

 

Chaque citoyen doit donc exercer et assumer sa part de responsabilité dans sa propre sécurité. Il est un maillon, essentiel, de la chaîne des secours et ne peut donc se décharger entièrement au profit des services publics.

 

D’autant plus qu’à raison d’un incendie d’habitation toutes les 6 minutes, il y a peu de chances que nous soyons épargnés par ce type de sinistre au cours de notre vie… Nous pouvons également être victimes de l’incendie d’habitation de notre voisin… surtout celui du dessous !

 

 

De ce fait, d’autres questions devraient alors nous venir à l’esprit :

 

-          si je suis malheureusement concerné par un incendie domestique, le feu aurait-il des raisons de créer peu de dégâts dans mon habitation ? et les fumées, auraient-elles des raisons de ne pas être toxiques ?

 

-          si cela se passe au moment où je suis présent, ou bien ma famille, qui plus est pendant que nous dormons, avons-nous des chances de nous en sortir ?

 

-          enfin, si nous avons la chance d’être éveillés, allons-nous réagir de manière adaptée dans l’urgence ?

 

 

 

Dans la mesure où la réglementation relative à la sécurité contre l’incendie, dans les bâtiments d’habitation, est quasiment inexistante dans les parties privatives, et dans la mesure où la « culture prévention » n’est pas suffisamment développée, ni même encouragée au sein de notre société, il y a toutes les malchances pour que la réponse à ces questions soit : « A PRIORI NON ».

 

De plus, quel que soit l’effort individuel de prévention réalisé dans son propre logement, il est difficile d’échapper aux conséquences plus que probables d’un sinistre voisin. La notion de risque partagé est donc essentielle à considérer.

 

Enfin, il est important de ne pas limiter la prévention à la seule notion matérielle, sans prendre en compte le comportement humain au quotidien et surtout face au risque.

 

Il est vrai qu’un détecteur de fumées, est certainement l’objet le moins cher, le moins compliqué et le plus efficace au monde, susceptible de nous sauver la vie en cas d’incendie…

 

 

Notre vie, épargnée pour une dizaine d’euros !!!

 

…et une pile de 9 volts, au maximum une fois par an…

 

C’est presque incroyable ?! Et pourtant, la seule condition, est d’investir cette somme avant qu’il y ait un incendie et qu’il ne soit trop tard… et ce n’est pas négociable...

 

 

[10]

 

 

Malgré tout, cet ange gardien technologique, indispensable pour alerter au plus tôt de la présence de fumées et préserver la vie des occupants, n’est pas suffisant pour empêcher la naissance d’un incendie.

 

 

Le comportement humain, sans parler d’actes criminels, est déterminant dans la naissance du sinistre (ignorance, imprudence) dans le développement du feu (maladresse, négligence), ainsi que dans la gravité du bilan des victimes (dois-je fermer les portes ? ouvrir les fenêtres ? évacuer ou me confiner ? tenter d’éteindre ?...).

 

Par exemple, l‘acquisition d’un extincteur sans préparation à son éventuelle utilisation est une incitation sécuritaire incomplète qui peut même, selon le cas, se révéler être dangereuse (voir la vidéo [11]).

 

Egalement, tenir briquets et allumettes hors de portée des enfants est forcément une bonne recommandation. Mais peut-elle être considérée comme suffisante pour ne pas aborder le cas où la « bêtise » a été réalisée, et priver ainsi l’enfant de consignes adaptées, l’empêchant notamment, se sentant fautif, d’aller se réfugier là où il se sentirait le plus en sécurité : sous son lit ?...

 

Enfin, en ce qui concerne l’électricité, personne ne remettra en cause le risque d’incendie lié à une installation ancienne ou qui présente des défauts.

 

Mais il n’est pas du tout exclu, même si l’absence de statistiques ne permet pas d’être affirmatif, que bon nombre de défauts électriques qui peuvent être à l’origine d’un incendie, résultent d’un comportement négligent ou d’une utilisation inadaptée[12].

 

Aussi, des informations plus poussées sur les circonstances des feux, identifiés comme étant d’origine électrique, permettraient d’adopter une approche plus juste et responsabilisante de la prévention envers les utilisateurs d’appareils et d’accessoires électriques.

 

Faire « vérifier régulièrement ses installations par un professionnel » ne peut pas être une mauvaise recommandation en soi. Mais il n’est pas évident qu’un particulier, qui n’a pas forcément de connaissances dans ce domaine, puisse facilement évaluer à quel moment son installation doit être considérée comme vétuste ou dangereuse et nécessiter une inspection. De plus, le coût engendré par ces contrôles n’est pas un élément favorable à leur réalisation régulière.

 

De manière générale, l’absence de prise en compte financière de toute démarche préventive de la part d’un particulier, ne peut pas encourager ce dernier à investir dans ce domaine.

 

Les compagnies d’assurance auraient pourtant tout intérêt à encourager la prévention des incendies, plutôt que de se contenter des obligations de l’assuré, certes légitimes, de « prendre toutes les mesures nécessaires pour limiter le sinistre et protéger les biens garantis »… une fois que le feu est déclaré.

 

En effet, il est normal qu’un assuré victime d’un incendie prenne les dispositions nécessaires pour alerter les secours. Mais s’attendre à ce qu’il lutte contre l’incendie dans la mesure de ses possibilités commence déjà à être inquiétant, car on le laisse seul juge de l’exécution de gestes réflexes, pour lesquels il n’a suivi aucune formation, ni sensibilisation aux risques.

 

Mais quoiqu’il en soit, le sinistre s’est déjà déclaré ! Il parait donc tout à fait étonnant que les actions qui permettraient de limiter la naissance d’un incendie ne soient pas prises en compte…

 

L’assuré, qui a pour obligation de déclarer un incendie dès qu’il en a connaissance, et dans un délai de 5 jours ouvrés, doit également préciser les causes et circonstances du sinistre. Ceci peut très probablement expliquer les différences observées en matière de données statistiques…

 

 

 

IV) Des solutions responsabilisantes ?

 

 

Pour agir contre la naissance d’un feu, il serait intéressant d’avoir les moyens de faire réaliser une étude personnalisée des risques potentiels d’incendie dans sa propre habitation, en lieu et place de recommandations généralistes et pas forcément adaptées.

 

Si l’on nous prévient qu’un incendie d’habitation a effectivement lieu toutes les 2 ou 6 minutes et que la majorité des décès se déplore la nuit, cela peut éventuellement nous inquiéter, mais ne pas forcément nous aider.

 

Si l’on nous conseille de faire ramoner notre cheminée au moins une fois par an, de ne pas nous endormir avec notre cigarette dans notre lit, de ne pas allumer notre barbecue avec du white spirit… et que nous n’avons pas de cheminée, que nous ne fumons pas et que nous disposons d’un barbecue au gaz… il ne faudrait pas pour autant se considérer à l’abri de tout départ d’incendie.

 

Des informations plus précises sur les lieux d’origine des incendies (salon, cuisine, chambre, combles…) et plus fiables sur leurs causes probables en fonction des sources présentes (réfrigérateur, multiprise, téléviseur, VMC…), permettraient d’envisager la réalisation de cet état des lieux des risques potentiels d’incendie dans les habitations.

 

Et, soyons fou, pourquoi ne pas envisager que ce diagnostic puisse être réalisé par l’occupant lui-même ? Non pas pour répondre à une quelconque réglementation sous peine de sanction financière, mais bel et bien pour se faire soi-même une idée assez précise du risque auquel on s’expose à dormir là, ou bien ici ?...

 

Dans le domaine de la prévention des risques technologiques, des Comités Locaux d’Information et de Concertation (CLIC) sont chargés d’informer les populations, de développer chez elles la culture du risque et de les associer aux processus décisionnels. Pourquoi ne pas envisager ce même modèle dans la prévention incendie des habitations ?

 

Bien sûr, il ne suffirait pas d’annoncer que 70 % des feux ont pour lieu d’origine la cuisine et que et que 80 % d’entre eux ont pour cause le dysfonctionnement d’un réfrigérateur... Tout le monde a un réfrigérateur dans sa cuisine et il n’est pas question de se passer de ses services.

 

Aussi, les circonstances ayant pu conduire telle ou telle source à devenir la cause d’un incendie, sont également essentielles pour envisager des actions et recommandations efficaces de prévention : quelles sont les raisons, les conditions d’utilisation, d’exposition, etc. qui peuvent amener un réfrigérateur à devenir la cause d’un incendie ?...

 

Cette « auto-étude » des risques potentiels d’incendie dans son habitation nécessiterait un apport minimum de connaissances liées aux phénomènes de combustion.

 

L’idée serait, par exemple, de ne pas seulement interdire l’utilisation de white-spirit pour allumer son barbecue, mais d’apporter les éléments nécessaires à la compréhension du phénomène d’inflammation des vapeurs d’un produit très inflammable.

 

Sans que cela nécessite un niveau d’ingénieur, cela permettrait à l’utilisateur d’extrapoler ce risque, quelle que soit la situation, ou bien le produit inflammable concerné.

 

Il en est de même pour l’usage de prises multiples, de bougies, de chauffage d’appoint, d’outils générant des points chauds… qui peuvent, ou non, être dangereux selon les conditions d’utilisation…

 

Il est possible d’aborder très simplement le triangle du feu, la réaction au feu des matériaux,  le comportement des fumées et les dangers qu’elles représentent, etc.

 

 

Cela ne devrait pas être plus compliqué que les formules de calcul relatives aux distances de sécurité, dans le domaine de la prévention routière. En effet, ces distances, en mètres, imposent de convertir des kilomètres par heure en mètres par seconde, tout en intégrant 2 secondes nécessaires au temps de réaction.

 

Pour être complet et pleinement fructueux, cet apport de connaissances devrait également être complété par un apprentissage des comportements humains en situation d’urgence.

 

Il semblerait bien, en effet, que notre réaction « réflexe » face au feu puisse parfois être contraire au bon sens, entraînant ainsi un comportement inadapté, voire périlleux selon le cas (sentiment de culpabilité, présence de témoins, mise en danger de proches, panique, etc.).

 

Ces campagnes de prévention pourraient être réalisées dans le même cadre que celles qui sont relatives à la sécurité routière (journée nationale de la prévention des incendies domestiques, campagnes de sensibilisation et d’information, complément scolaire éducatif, intégration aux journées portes ouvertes des centres de secours, etc.).

 

L’absence de dépense obligatoire pour les particuliers permettrait d’une part de lever toute ambiguïté sur la réelle intension préventive de ces démarches et, d’autre part, d’éviter toute suspicion d’éventuelles opérations de lobbying.

 


V) Recherche des Causes et des Circonstances d’Incendies : fantasme superflu ou réalité fertile ?

 

 

Comment est-il possible alors de pouvoir disposer de données statistiques plus complètes et précises en ce qui concerne les incendies domestiques, de manière à pouvoir cibler les actions de prévention et étudier précisément leur efficacité ?

 

Depuis environ cinq ans, certains Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS) pratiquent, de manière expérimentale, cet engagement dans la Recherche des Causes et des Circonstances des Incendies (RCCI) à but préventif.

 

Le SDIS des Yvelines a très rapidement constitué une équipe de 18 pompiers investigateurs, ce qui leur a permis de pouvoir débuter le recensement de données statistiques.

 

Le SDIS du Val d’Oise a, quant à lui, priorisé la formation de l’ensemble de ses sapeurs-pompiers à la protection des traces et indices sur les scènes d’incendie. Parallèlement, la constitution d’une équipe de 20 pompiers investigateurs sera effective en début d’année 2011, et permettra ainsi de disposer de deux spécialistes chaque jour.

 

La Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris s’est également investie très tôt dans cette démarche, en collaboration avec le Laboratoire Central de la Préfecture de Police de Paris.

 

La Direction de la Sécurité Civile a constitué un groupe de travail pluridisciplinaire, chargé d’étudier les conditions d’engagement des sapeurs-pompiers dans la RCCI, ainsi que les modalités d’encadrement règlementaire de cette activité. Un projet de circulaire ministérielle est en cours de réalisation.

 

Cette démarche novatrice des sapeurs-pompiers dans l’analyse des causes, des circonstances et des comportements liés aux incendies domestiques, pourrait contribuer à favoriser et encourager l’investissement de chacun d’entre nous dans notre propre sécurité, et être en mesure d’apporter des éléments de réponse concrets à la question : « pourquoi votre habitation a-t-elle brûlé ? » et transformer la question « pourquoi va-t-elle brûler ? » en : « grâce à quoi ne va-t-elle pas brûler ? »…




[1] Général Chinois du VIème siècle av. J.-C., célèbre pour son ouvrage de stratégie militaire « L’Art de la guerre ».

[2] A. du 25 juin 1980 modifié (dispositions générales)

[3] A. du 31 janvier 1986 modifié, relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation (J.O. du 5 mars 1986)

[4] Voir la vidéo : http://www.fort-de-domont.com/index.php?option=com_content&view=article&id=76&Itemid=125

[5] http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/statistiques/securite_civile/2009/statistiques-2009/view

[6] Données statistiques de l’Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière sur la base des Bulletins d’Analyse des Accidents Corporels

[7] Base de données statistiques Prométhée

[8] Base de données Analyse, Recherche et Information sur les Accidents [ARIA] du Bureau d’Analyse des Risques et Pollutions Industrielles [BARPI]

[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_domestique

http://www.protectionincendie.com/statistiques-incendie.html

http://www.e-sante.fr/accidents-incendies-domestiques-morts-NN_5927-1-6.htm

http://www.leparisien.fr/societe/bientot-des-cigarettes-anti-incendie-en-france-26-05-2010-937133.php

http://www.comparer-mon-assurance.com/assurance-habitation/protection-habitation-feu-200.html

http://www.secourisme-objectif.fr/news00010257.php

[10] Campagne de « prévention par l’exemple » initiée par la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France

[11] L’utilisation inadaptée d’un extincteur pour lutter, par exemple, contre un feu de friteuse naissant dans une cuisine, peut propager l’incendie de façon quasi-instantanée à l’ensemble du volume, et exposer l’utilisateur à des risques vitaux certains. Voir la vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x49wnt_feufriteusedanger_people

[12] Un défaut de contact d’une prise de courant, qui plus est en présence d’humidité, peut générer un échauffement susceptible de créer un départ de feu. Si ce défaut est le résultat d’un mauvais entretien ou d’une utilisation inadaptée, en tirant la prise par le câble pour la débrancher par exemple, est-ce que la cause de l’incendie est électrique ou comportementale ?



27/09/2010
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